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Das Cabinet Des Dr.Caligari
Toundra - Das Cabinet Des Dr.Caligari
Titre : Das Cabinet Des Dr.Caligari
Groupe : Toundra
Sortie : 2020
Label : Inside Out Music
Format : CD
Genre : Post-rock

La chronique note de la chronique
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Titres

    Formation en 2007

    Alberto Tocados [bassiste], Alejandro Pérez [batteur], David Lopez [guitariste], Esteban Jimenez Giron [guitariste]

    Pour ce qui est de nous surprendre, Toundra a toujours plus d'un tour dans son sac. En effet pour leur dernière œuvre intitulée Das Cabinet Des Dr. Caligari, et qui sortira le 28 Février prochain, le groupe espagnol a carrément décidé de (re)créer la bande musicale du film de Robert Wiene. Pour tout amoureux du septième art qui se respecte et qui connait un peu son sujet, Le Cabinet du docteur Caligari fait partie des films référence à citer dans l'histoire du cinéma. Alors, chronique musicale, cinématographique, ou les deux ? Comment aborder cet ‘album' de soixante-douze minutes et dont la structure des titres colle parfaitement aux scènes-actes du film ? Juste écouter l'album ? Ou l'écouter en même temps que le film ?

    Toundra
    Photo Sergio Albert

    Chose déjà certaine, et comme déjà évoqué pour les albums précédents, le groupe espagnol de post rock a cette spécificité de faire naître de nombreuses images ou scènes juste uniquement par les atmosphères qui se dégagent de leur musique. Est-ce que l'écoute seule permet d'évoquer là encore des images au gré de notre imagination, où est-ce que les artistes ont développé leur musique en support des images animées ?
    Nul besoin de voir The Wall pour apprécier la BO de Pink Floyd me direz-vous. Je ne peux m'empêcher de penser qu'écouter l'album sans avoir vu le film correspondant n'est pas complètement satisfaisant. Votre serviteur a donc fait les deux, d'autant plus que c'était une excellente occasion de (re)visionner ce film muet allemand sorti en 1920.

    D'abord la musique. La première écoute pourra sembler fade, voire répétitive, cependant il n'en est rien. Prenons cet album globalement, car finalement toutes les plages sont d'une grande cohérence instrumentale. Entendez par cohérence une atmosphère globale avec ses hauts et ses bas, mais qui reste toujours dans une sorte de même thème musical, dans une même atmosphère riche de nuances. Les hauts et les bas sont les différentes facettes de cette ambiance mise en place, respectivement du calme tout relatif, ainsi que de sérieux coups de grisou. Vous aurez donc tour à tour des guitares calmes, planantes et scintillantes dans une nuit qui ne cache pas un petit côté sombre sur le générique ('Titelsequenz'), des ambiances mystérieuses, anxiogènes avec des cordes frottées semblant venir de de l'au-delà, qui miaulent et qui hurlent (‘Akt VI’), ou des zébrures de cordes carrément hallucinées avec neuf coups d'horloge horrifiques ('Akt II'), des clairières de lumière qui s'invitent et trouent l'obscurité (‘Akt II’), un thème plus solaire et positif (correspondant sûrement à un personnage) (‘Akt III’) et des petits moments mélodiques bienvenus. Sans oublier plusieurs climax ou explosions finales complètement torturées en fin de titre, folles et inextricables (‘Akt IV’), amenées intuitivement depuis de nombreuses minutes, et dont on sent bien que la tension grandissante amenée graduellement doit à un moment claquer comme un gros coup de tonnerre (‘Akt V’, ‘Akt VI’). Les guitares sont bien sûr l'épine dorsale de cette musique, les claviers, qui s'expriment quelquefois seuls, ainsi que la batterie, quand elle ne se déchaine pas dans les grains de tempête folle, viennent toujours en support de la base de guitares. A noter aussi quelques petites touches d'électro dispersées ça et là.

    Dr Caligari
    Une des affiches du film

    Maintenant le film. Je ne vais sciemment pas vous divulgâcher l'histoire. Comme écrit plus haut, sachez juste que Das Cabinet Des Dr. Caligari est un film muet en noir et blanc. C'est aussi un film d'horreur et de folie dont une des particularités, et non des moindres, vient des décors en carton pâte torturés représentatifs de l'expressionnisme allemand, et qui expriment bien la perte de repères vécues dans ce film. Je vous vois venir: "Ah le ringard, un film d'horreur muet en noir et blanc, sans effets spéciaux, sans zombies errants décharnés, sans sexe, sans litres de sang qui giclent partout….mais pourquoi devrais-je m'infliger ça ?" C'est vous qui voyez. Souvenez-vous que nous sommes en 1920, ce film est donc à remettre dans son contexte. En tout cas pour l'époque ce film est déjà une belle prouesse technique.

    Passée la surprise du générique du film avec cette musique très calme (on n'est pas très habitués à une telle musique pour un film muet), on se laisse finalement envelopper dans cette ambiance nimbée de mystère, de meurtres et de folie constante. J'ai eu quelquefois du mal à faire coller la musique avec les événements du scénario, mais l'exercice n'est sûrement pas à prendre au pied de la lettre. La musique, indubitablement et au fur et à mesure du film, vient en exposition de l'histoire. Que ce soit par exemple pour introduire Alan sur une guitare seule, mélancolique, qui semble pleurer sur un passage assez triste ('Akt I'). Autre exemple, les cordes frottées et l'ambiance torturée annoncent le premier meurtre ('Akt II'), les guitares saturées soutiennent la prophétie funeste de Francis, l'éclaircie de guitare solaire souligne la rencontre amoureuse avec Jane, alors que les neuf coups d'horloge et les zébrures qui déchirent vos tympans annoncent le nouveau meurtre qui est perpétré. Sur 'Akt IV', la musique épaule très bien le scénario. Ce qui était déjà pressenti, à savoir une montée graduelle en puissance qui se finit en maelström musical explosif et destructeur coïncide avec l'enlèvement de Jane dans son sommeil et la poursuite de Cesare. 'Akt V' et Akt' VI' sont du même acabit. Dans 'Akt V', un nouveau climax correspond à la découverte de l'identité du directeur de l'asile, alors qu'un autre coup de tonnerre en fin de titre correspond avec son désir de devenir le mystique Caligari, et que des voix dans la nuit lui répètent son rêve de puissance. 'Akt VI' se déroule toujours dans une atmosphère torturée et complètement folle lorsque le directeur est démasqué et interné. La narration du début reprend avec le même thème musical du départ qui revient, ainsi que le coup de théâtre final, cette fois-ci juste appuyé par une courte conclusion finale.

    Finalement en y réfléchissant bien, et avec le recul, Toundra a réussi le pari d'illustrer et de soutenir à merveille un film représentant les folies des hommes. Les guitares tissent une musique en demi-teinte, variant les ressentis allant d'un calme solaire et positif - somme toute très relatif - à un vaste chaos de perdition mortifère.
    Toundra réussit le tour de force de sublimer et de mettre en relief ce Dr Caligari, un film précurseur qui a inspiré de nombreux autres œuvres cinématographiques, du Dr Mabuse à Tim Burton.
    En tout cas ce pari original et culturel est totalement gagné haut la main.
    Muchas gracias hombres ! On attend le ciné concert avec impatience.

    Video Facebook: https://www.facebook.com/toundra/videos/542298766619364/


    Rédigé par Laurent le 24/02/2020
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