Titres
Steve Hogarth [] depuis 1988, Steve Rothery [] depuis 1979, Mick Pointer [batteur] depuis 1979 jusque 1983, Pete Trewavas [bassiste] depuis 1981, Fish [] depuis 1979 jusque 1988, Mark Kelly [clavier] depuis 1981, Ian Mosley [batteur] depuis 1984, Andy Ward [batteur] depuis 1983 jusque 1983, Jonathan Mover [batteur] depuis 1983 jusque 1983, John Martyr [batteur] depuis 1983 jusque 1983, Brian Jelliman [clavier] depuis 1979 jusque 1981, Brian Jelliman [clavier] depuis 1979 jusque 1980, Diz Minnit [] depuis 1981 jusque 1981
Trente et une années se sont écoulées depuis sa découverte. J’habitais alors en Bretagne, à Saint-Brieuc, et mon fournisseur de rêve, à deux pas de chez moi, s’appelait LP Records. Dans la cour du lycée, par une chaude après-midi d’automne, peu avant la reprise des cours, j'entendis pour la première fois, venant de la fenêtre du troisième étage, une musique qui m’accompagne depuis, celle Marillion et leur second album Fugazi. Très vite, j’ai dépouillé les bacs et écouté tout ce qu’ils avaient composé à l’époque, c’est-à-dire pas grand chose. Quand en 1985 leur troisième album sortit enfin, ce fut la ruée chez le disquaire. Misplaced Childhood allait devenir en quelques jours une légende dans le monde du prog, se propulsant avec son single ‘Kayleigh’ à la seconde position dans les charts britanniques.
Je prend le vinyle d’origine, un double volet pensé par Fish et illustré par Mack Wilkinson, pour redécouvrir Misplaced. La pochette représente un jeune garçon en costume de tambour tenant une pie sur son poignet droit. Un arlequin s’échappe par la fenêtre que traverse un arc-en-ciel dans un ciel tourmenté. Un caméléon en cage sur laquelle est posée une seconde pie, une clef dans le bec, des coquelicots aux pieds de l’enfant, une alliance sur le sol qui s’ouvre sur le néant, privé de quelques pièces du puzzle, des éléments récurrents depuis le début dans l’imaginaire de Marillion et présents pour la dernière fois sur un de leurs albums studio. L’intérieur de l’album, lui, est fait de collages que l’on doit à Julie Hazelwood. Les paroles signées de deux noms, Fish et William Derek Dick, mais écrites d’une seule main, s'étalent sur le décor : une pièce de puzzle, des plumes, deux photos jaunies, un bouton de ceinture, une tâche de sang en forme de cœur et des traces de rouge à lèvres.
Misplaced Childhood nous raconte l’enfance d’un garçon qui vivait à Edinbourg. Des textes autobiographiques où Fish se livre comme jamais, alternant nostalgie, désillusion et colère. L’album nous promène dans cette capitale écossaise où j’ai, plus jeune, erré comme pour un pèlerinage, de pubs en places, sur les traces du poète. Histoire d’amour, disparition, rançon du succès, pression médiatique, des souvenirs épars entre Lyon, Toronto et le Lothian. Un concept album deux titres, la face A et B où toutes les pièces sont enchaînées, sans pause, juste le temps de retourner le vinyle à mi parcours.
Tout se joue dès les premières secondes de ‘Pseudo Silk Kimono’ où les claviers de Marc et la guitare de Steve posent une atmosphère quasi religieuse sur les mots de Fish, “Huddled in the safety of a pseudo silk kimono” et sa voix caméléon. Impossible d’échapper aux deux pièces qui suivent ‘Kayleigh’ que tout fan de Marillion connaît par coeur : “Sorry I never meant to break your heart, but you broke mine”, un texte plein de regrets et d’amertume sur l’amour perdu. C’est avec une comptine du 17 ième siècle que se poursuit l’histoire dans ‘Lavender’, “Lavenders blue dilly dilly lavenders green…”, des enfants dans un parc chantent les mots qu’il n’a jamais su écrire pour Kay Lee. Vient ‘Bitter Suite’, un interlude instrumental sur lequel Fish finit par poser des paroles, d’abord parlées puis chantées, et qui s’achève sur le célèbre “J’entends ton coeur” en français dans le texte. La face A s’achève sur “Heart Of Lothian” où Fish évoque Edinbourg et ses souvenirs.
La face B dévoile le second visage du concept, moins mélodique, aux rythmiques plus difficiles, abordant des textes parfois hermétiques (sorte d’écriture automatique). ‘Waterhole’ explose, percussif, alors que la guitare tire des trais angoissants sur un texte agressif qui rappelle ‘Forgotten Sons’. ‘Blind Curve’, en cinq parties, livre des souvenirs épars où une petite phrase annonce la crise à venir : “And an interviewer threatened me with a microphone”, une célébrité trop rapide à laquellel Fish n’est jamais préparé, dénoncée quelques années plus tard dans ‘Vigil’. Serait-ce la fin de l’enfance, vautré dans le succès, des regrets, des amours perdus, la désillusion ? Misplaced Childhood possède un happy end auquel plus personne ne croit aujourd’hui. Clutching at Straws et Vigil In A Wilderness of Mirrors le prouveront en leur temps.
Un concept album en deux parties qui n’a pas pris une seule ride en trois décennies et que j’écoute toujours avec autant de ferveur. Je préfère la première face, moins tourmentée, plus mélancolique, et tout particulièrement la plus longue des pièces, ‘Bitter Suite’, où le génie de Marillion prend toute son ampleur.
Misplaced Childhood sera l’album le plus vendu du groupe. Un chef d’oeuvre trop personnel sans doute qui a un peu détruit le géant écossais et qui mettra une terrible pression à Marillion, EMI rêvant d’un nouveau ‘Kayleigh’ dans chaque LP. Un album torturé, noyé dans l’alcool, les tensions et les nuits d’hôtel de tournées suivra, ce sera Clutching At Straws, la dernière collaboration de Fish avec ses compagnons.
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