Titres
Steve Hackett [guitariste]
Steve Hackett – guitares, charango, oud
John Hackett – flûte
Roger King – claviers, programmation et arrangements orchestraux
Malik Mansurov – tar
Arsen Petrosyan – duduk
Christine Townsend – violon
Rob Townsend – saxophone
En 1983, Steve Hackett composait Bay of Kings, un album comprenant des pièces instrumentales acoustiques à la guitare, une merveille entre musique classique et rock progressif que j’ai écoutée et réécoutée jusqu’à ce que la K7 rende l’âme. Vingt-cinq ans plus tard Steve nous proposait Tributes, un nouvel album acoustique composé de pièces baroques et de reprises, et le 22 janvier prochain, l’ancien guitariste de Genesis reviendra avec un nouveau voyage acoustique, dans les pays méditerranéens qu’il a écumés au fil des années en compagnie de Jo.
Cette fois, aidé de Roger King, Malik Mansurov, Arsen Petrosyan, Christine Townsend et de Rob Townsend, il joue de la guitare acoustique enrichie pour de nombreux morceaux d’orchestrations classiques épicées d’instruments orientaux.
‘Adriatic Blue’, ‘Joie de Vivre’, ‘Scarlatti Sonata’ et ‘Lorato’ sont les quatres pièces sur les onze de l’album où Steve joue en solo, avec sa guitare, renouant avec Bay Of Kings et Tributes. Durant un peu moins d’une heure, sur des mélodies andalouses, orientales, baroques, classiques, nous naviguons en mers Adriatique et Méditerranée, accostons dans des criques abritées du vent, sur des plages de sable brûlant, marchons dans le désert, dans les ruines de Pompéi, visitons les îles grecques, Naples et d’autres lieux enchanteurs.
Steve s'inspire de grands compositeurs classiques, romantiques et baroques pour ses orchestrations. Vous reconnaîtrez ici ou là du Asturias, du Tchaikovsky, du Bach et bien entendu du Scarlatti. Est-il nécessaire de préciser que lorsque Steve joue de ses guitares, je nage en plein bonheur, tant son touché est précis, articulé, délivrant d’incroyables nuances et provoquant une multitude d’émotions. J’avoue avoir une préférence pour les quatre morceaux où il se retrouve seul à la guitare. A trois exceptions près cependant : ‘Sirocco’ où les transitions entre l’orchestre et la guitare sont d’une grande fluidité, l’oriental ‘The Dervish and the Djin' et la guitare andalouse de 'Andalusian Heart’ qui me rappelle mes voyages dans cette très belle région d’Europe.
Roulements de tambours et tonalités orientales, ‘Midna’ débute par une ouverture orchestrale d’une minute qui s’efface devant la guitare de Steve. Les cordes reviennent, débordées par les cuivres, tentant de submerger les notes délicates de l’ancien guitariste de Genesis. Le thème d’ouverture revient alors, à la moitié du morceau, cédant à nouveau la place à la guitare avant que l’orchestre et le soliste ne se rejoignent pour le final.
‘Adriatic Blue’ laisse alors la parole à Steve Hackett, cinq minutes de dentelles dans l’esprit de ‘Horizons’.
Plus au sud, le ‘Sirocco’ venu du désert souffle sur la mer, apportant avec lui les senteurs du sable brûlant. Violons raï, percussions, guitare orientale et ensemble à cordes à la manière des aventures de Lawrence d’Arabie, la pièce évoque magnifiquement le vent qui vient du sud, soulevant le sable du désert et l’écume blanche de la Méditerranée.
La guitare acoustique revient avec ‘Joie de Vivre’, une ballade galopante, lumineuse et légère qui évoque des jeux d’enfants sous le soleil.
C’est un violon solitaire qui ouvre ‘The Memory of Myth’, rattrapé par la guitare qui nous suggère des musiques traditionnelles grecques. L’atmosphère se fait plus sombre, presque angoissante. Les créatures d’Homère restent tapies dans l’obscurité des temples et des eaux profondes.
Puis c’est en Italie, à Naples, que nous conduit Steve avec la sonate de Domenico Scarlatti, première incursion dans la musique baroque pour cet album méditerranéen.
De Naples, il n’y a qu’un pas jusqu’à Pompéi et la Maison du Faune, une villa romaine bâtie au IIème siècle avant JC. Un trop court concerto pour flûte, guitare et orchestre que mon épouse adore.
La musique de Steve Hackett nous ramène alors au désert avec ‘The Dervish and the Djin’. L’ascète rencontre l’esprit issu du feu. Comme dans ‘Sirocco’, nous retrouvons une musique du monde orchestrale qui évoque celle de l’Apprenti Sorcier dans Fantasia.
Ne me demandez pas ce qu’est ‘Lorato’, je l’ignore, mais cette petite pièce pour guitare avec son thème joué comme une ritournelle est tout simplement délicieuse.
Vous retrouvez dans ‘Andalusian Heart’ le soleil, les champs d’oliviers, les orangers, les forteresses mauresques, la Giralda, le flamenco et les patios carrelés, un titre où l’orchestration et la guitare virtuose se répondent.
Mais au cœur de toutes ces contrées brûlées par le soleil, il y a la mer, la mer qui invite au voyage, la mer qui relie et sépare les hommes. ‘The Call of the Sea’ évoque tout cela et plus encore sans doute, une musique emprunte d’un certain vague à l’âme. Cette dernière pièce joue des cordes et de la guitare avant de disparaître à l’horizon.
Cet album qui voyage en musique n’a qu’un seul défaut, ses orchestrations numériques. Mais en ces jours de confinement, Steve avait-il vraiment le choix ? Les personnes écoutant de la musique avec autre chose qu’un fer à repasser noteront peut-être que les ensembles à cordes manquent de texture et de profondeur. Dans un album de metal symphonique, les instruments électriques masquent souvent cette faiblesse, mais ici, où tout ou presque est acoustique, l’oreille entend la différence.
Under A Mediterranean Sky pourrait, qui sait, réconcilier deux mondes, celui de la musique classique et celui des amateurs de rock progressif. Les guitaristes goûteront le talent de Steve Hackett et les personnes suivant l’artiste depuis des années retrouveront avec bonheur cet incroyable artiste. Il n’y a plus qu’à espérer qu’il puisse un jour nous jouer ces morceaux en live avec un vrai orchestre.